Elijah M. Foster - Death is a natural part of life

CHAPITRE I

Pour bien des enfants, l'école était synonyme d'apprentissage, d'ennui passager et de camaraderie. Pour Elijah, ce n'était rien de plus qu'une épreuve. Son enfer personnel. Le jeune garçon aurait mille fois préféré pouvoir apprendre seul dans son coin et ne pas se confronter au reste du monde. Mais on ne lui laissait pas vraiment le choix dans cette histoire...

L'enfant était habitué à être traité de toutes sortes de noms d'oiseaux. "Tête d'ampoule", "Binoclard", "Ahuri"... Ceux-là, il pouvait les supporter. Mais il y avait deux insultes qu'il ne parvenait pas à accepter, contre lesquels il avait tenté de se rebeller, pour recevoir plus d'injures et des coups de surcroît.

Contre sa famille. Tout d'abord. Elijah le Faucheur. Parce qu'ils avaient toujours vécu "sur le dos des morts", d'après son père. Littéralement, puisque leur domaine familial était à quelques pas du cimetière. Et figurativement, puisque, depuis des générations et des générations, les Foster prenaient soin des morts de Bristol Cove.

C'était là une profession peu commune, qui donnait à leur famille une sinistre réputation. Mais Elijah était fier des siens et du travail dur de ses proches.

Il aimait assister son père quand ce dernier s'occupait des plantes du cimetière et était déjà prêt à reprendre le flambeau. Il n'y avait rien de "dégoûtant" à être un Foster. Ils n'étaient pas des "Faucheurs".

La deuxième insulte concernait l'un de ses plus grands complexes, qui le poursuivait encore aujourd'hui : son trouble du langage. "Bé-bègue", c'était ainsi que les gamins et certains adultes malveillants le surnommaient.

Aussi loin qu'il s'en souvienne, Elijah avait toujours bégayé. Malgré des séances assidues chez l'orthophoniste, rien n'y avait fait. Les mots butaient, peinaient à sortir, se coinçaient dans sa gorge. Et la plupart des gens n'avait pas la patience d'attendre. Ils préféraient l'interrompre ou partir, privant Elijah de la possibilité d'exprimer ce qu'il éprouvait, de laisser éclater tout ce que pouvait contenir sa cervelle hyperactive.

Certains murmuraient que son trouble était une malédiction jetée par un esprit quelconque. Rien d'étonnant pour une famille investie dans la mort depuis des siècles...

En résumé, Elijah a mené une enfance solitaire. Une épreuve difficile qu'il a surmonté grâce à un rêve fou, nourri par les histoires de sa mère et la légende de la ville : s'il ne parvenait pas à trouver sa place, c'était parce qu'il faisait partie des profondeurs de l'océan. Et, un jour, il rejoindrait les siens...

CHAPITRE II

Personne ne comprenait le geste d'Elijah. Lui-même ne disait pas le moindre mot à ce sujet. A dire vrai, il s'était plongé dans le mutisme le plus total, refusant d'articuler la moindre syllabe. L'adolescent était plongé dans le silence, perdu dans ses propres pensées.

Tous l'ignoraient, mais Elijah venait de dire adieu à son enfance, de la manière plus brutale possible. Il avait tenté le tout pour le tout, après une énième brimade qui était allée trop loin. Une mauvaise farce qui lui avait laissé penser qu'il allait enfin avoir des amis...

Après avoir été moqué pour sa naïveté, Elijah avait pris la direction de la mer. Et, sans réfléchir, il avait nagé. Nagé. Nagé. Jusqu'à ce que le froid et la fatigue engourdissent ses membres. Jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rester à la surface.

Dans ses histoires, sa mère lui racontait que les sirènes pouvaient porter secours aux marins tombés à l'eau. Si elle portait secours à des inconnus, alors elles viendraient forcément à l'aide d'un des leurs, n'est-ce pas ?

Désespéré, s'accrochant de toutes ses forces à un mythe auquel il avait de plus en plus de mal à croire, Elijah avait mis sa vie en danger et n'avait dû son salut qu'au hasard le plus total. C'était un pêcheur qui l'avait retrouvé, alors qu'il était sur le point de se noyer totalement. Le jeune homme s'était éveillé à l'hôpital, entouré par les siens, morts d'inquiétude.

Et il n'avait rien dit. Parce qu'il avait honte. Parce qu'il avait finalement réalisé qu'il ne trouverait personne pour le comprendre dans les abysses. Que ce n'était qu'une légende. Un mensonge. Et qu'il était voué à rester seul sur cette terre.

CHAPITRE III

Entre l'acceptation et l'abandon, il n'y avait qu'un pas. Un pas qu'Elijah avait franchi avec une certaine lassitude. Il était conscient de ne pas vraiment avoir de place quelque part. Qu'il mettait les gens mal à l'aise. Qu'ils préféraient parler à sa place plutôt que d'attendre ses mots. Très bien. Qu'il en soit ainsi.

Ils pouvaient être deux à jouer à ce jeu. Elijah pouvait bégayer plus fort. Appuyer ses regards. Laisser planer des regards lourds de conséquences. Il savait comment créer le malaise et le distiller pour avoir la paix. Pour ne plus en être la victime, mais l'instigateur. Elijah n'était plus proie. Il pouvait se défendre, à sa manière.

Il avait pris la suite de son père et s'occupait du cimetière avec dévotion et zèle. Les allées étaient propres. Les plantes poussaient sans tout envahir. Sa surveillance permettait d'éviter le vandalisme et autres intrusions. Le cimetière de Bristol Cove, Elijah en prenait soin comme la prunelle de ses yeux.

Parfois, il parvenait à se connecter avec les autres. A leur apporter un maigre réconfort en prenant soin des fleurs de la tombe de leurs proches ou en offrant une oreille attentive, une épaule solide. Malgré son inexpressivité apparente, sa lassitude, Elijah savait faire preuve d'empathie. D'attention. D'écoute.

Mais il restait seul. Seul et perdu dans ce monde. Le cimetière et la mer étaient ses refuges. Le silence des abysses et celui de la mort. Une maigre consolation face à la dureté de l'existence. Les restes d'un petit garçon qui avait tant espéré qu'une légende soit vraie... Et un adulte qui ignorait que tout cela était réel.

Vraiment une magnifique histoire, je trouve le personnage très touchant et intéressant! J'adore Je valide évidemment! Amuse-toi bien avec Elijah

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